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Curatelle simple et pratiques bancaires : alerter, harmoniser, protéger

Affaires - Sociétés
Civil - Personnes et familles
Pénal - Pénal
15/05/2025

La protection des majeurs vulnérables est un enjeu majeur du droit civil et social. Pourtant, la mise en œuvre concrète de cette protection, notamment par les établissements bancaires, demeure imparfaite. Entre confusion des régimes de curatelle et méconnaissance des droits fondamentaux, les atteintes aux libertés individuelles des personnes concernées persistent.

Curatelle simple : un régime juridique trop souvent mal appliqué

Depuis la réforme du 5 mars 2007, le Code civil distingue clairement les différents niveaux de curatelle. En curatelle simple, le majeur conserve la gestion de ses revenus courants : il peut utiliser librement une carte de paiement ou un chéquier. Seuls les actes de disposition (investissements importants, souscription de crédits, etc.) requièrent l’assistance du curateur.

Malgré ce cadre juridique précis, de nombreuses banques appliquent par défaut les règles plus strictes de la curatelle renforcée, refusant par exemple la délivrance de moyens de paiement à des clients en curatelle simple ou exigeant l’accord du curateur pour des opérations ordinaires. Ces pratiques, en contradiction avec la loi, portent atteinte à l’autonomie financière et à la dignité des majeurs protégés.

Discriminations et inégalités d’accès : une réalité préoccupante

Lorsque des établissements refusent ou limitent l’accès aux services bancaires sans fondement légal, cela constitue une forme de discrimination, susceptible d’entraver la gestion quotidienne des personnes concernées. Pire encore, les pratiques varient fortement d’un établissement à l’autre, voire d’une agence à l’autre, créant une hétérogénéité préjudiciable à l’égalité de traitement des majeurs protégés.

Face à cette situation, l’harmonisation des pratiques bancaires devient indispensable pour garantir une application uniforme du droit sur l’ensemble du territoire. Cela passe par la formation des conseillers, l’élaboration de procédures internes claires et une meilleure distinction des régimes de protection.

Banques et abus de faiblesse : un devoir de vigilance renforcé

Les établissements bancaires ont également un rôle crucial dans la détection des situations d’abus de faiblesse. En vertu de l’article L511-1 du Code monétaire et financier, leur responsabilité ne se limite pas à la gestion des avoirs : ils doivent aussi alerter les autorités compétentes en cas de mouvements suspects sur les comptes de clients vulnérables.

Le signalement au Parquet en cas de suspicion fondée n’est pas une ingérence, mais une démarche de protection, conforme aux articles 223-15-2 et suivants du Code pénal. Trop de cas récents révèlent une passivité inquiétante face à des signaux d’alerte évidents (retraits inhabituels, rachats d’assurance-vie, virements suspects, etc.).

L’ACPR et l’AMF : vers une responsabilisation accrue des établissements

Conscientes de ces enjeux, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ont publié des recommandations destinées à améliorer la prise en charge des clients vulnérables. Celles-ci insistent sur la formation des personnels, la désignation de référents « vulnérabilité » et la mise en place de dispositifs internes de détection des risques.

Cependant, des disparités subsistent : seulement la moitié des établissements rencontrés a mis en œuvre ces recommandations. Il est donc nécessaire d’encourager leur généralisation et de poursuivre les efforts pour un accompagnement adapté de ces publics.

Les droits des personnes sous curatelle ne doivent pas rester théoriques. Leur respect suppose un engagement réel de la part des banques, mais aussi une coordination active entre les autorités judiciaires et financières. La lutte contre l’abus de faiblesse et la reconnaissance des spécificités de chaque régime de protection sont des priorités urgentes.

L’avenir de la protection juridique passe par une vigilance accrue, une meilleure information des acteurs et une application stricte du droit. Pour les personnes les plus fragiles, ces mesures ne sont pas un luxe, mais une nécessité.