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Prêt immobilier libellé en devises étrangères : clause abusive et information de la banque

Civil - Contrat
01/04/2022
La Cour de cassation rappelle l’imprescriptibilité de l’action de l’emprunteur aux fins de constater le caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat prêt. La banque prêteuse doit précisément informer l’emprunteur du « risque de change » de l’opération.
Une banque consent trois prêts immobiliers, libellés en francs suisses et remboursables en euros, destinés à financer l'acquisition d'appartements et d'emplacements de stationnement. Les emprunteurs assignent la banque au titre de manquements à ses obligations d’information, puis invoquent le caractère abusif de certaines clauses des contrats. Leur demande indemnitaire est rejetée, les juges du fond considérant que la banque n’avait pas failli à son obligation d’information et que leur action tendant à réputer non écrites les clauses abusives, soumise à la prescription quinquennale, était prescrite.
 
La Cour de cassation n’est pas de cet avis.
 
Sur la prescription. – Concernant le caractère abusif des clauses litigieuses, la Cour suprême donne droit aux emprunteurs au visa des articles L. 110-4 du Code de commerce et L. 132-1 (devenu L. 212-1) du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Puis, elle rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 10 juin 2021, aff. jointes C-776/19 à C-782/19) selon laquelle « l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription ». Elle en conclut que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 précité n'est pas soumise à la prescription quinquennale, contrairement à ce qu’a jugé la cour d’appel.
Remarques. – Aucun texte, en droit français, ne prévoit l'imprescriptibilité de l'action tendant à voir réputée non écrite une clause qui serait abusive, contrairement à l’action en nullité d’une clause soumise à la prescription quinquennale.
 
Sur l’obligation d’information de la banque. – Concernant l’information sur le risque de change des prêts, la Cour de cassation casse également l’arrêt, au visa de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. « Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger ».
La cour d’appel n’a pas recherché si la banque avait fourni aux emprunteurs les informations suffisantes et exactes.
Dans cette affaire, les clauses étaient rédigées de manière claire et compréhensible, les contrats comprenaient des annexes (tableau d’amortissement prévisionnel, notice, informations relatives aux opérations de change). Mais les termes « risque de change » en étaient absents.
Source : Actualités du droit