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Sanction personnelle du dirigeant en liquidation : étendue de l’interdiction de gérer

Affaires - Commercial
31/05/2021
Une cour d’appel ne peut condamner le gérant d’une société en liquidation à une interdiction de diriger sans exclure du champ de l’interdiction qu’elle prononce les entreprises individuelles qui ne seraient ni commerciales, artisanales ou agricoles, notamment les entreprises libérales. Est ainsi censuré l’arrêt visant toute entreprise ou personne morale sans distinction d’activité.
Lorsqu’une personne a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, le tribunal peut, en application de l’article L. 653-8 du code de commerce, prononcer "l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci".
 
Dans le cadre de la présente affaire, la Cour de cassation rappelle le champ de cette mesure d’intérêt public.

En l’espèce, la SARL X…, exerçant une activité de marchands de biens., avait été mise en liquidation judiciaire par jugement du 13 septembre 2016, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 13 mars 2015. Invoquant des faits d'omission de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal au vu d'un passif vérifié de 1 503 264 euros, le liquidateur avait demandé le prononcé d'une sanction personnelle contre le gérant de la société.
 
Par jugement du 20 septembre 2018, le tribunal de commerce avait prononcé à l'encontre du gérant une interdiction de diriger, de gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise ou personne morale pendant une durée de sept ans. Le gérant, faisant valoir qu'il n'avait pas, sciemment, omis de déclarer la cessation des paiements de la société et contestant l'étendue de la sanction à toute personne morale, avait fait appel de ce jugement.
 
Faute grave du dirigeant dans l’exercice de sa fonction

Ayant relevé que le tribunal avait fixé la date de cessation des paiements du débiteur au 13 mars 2015, soit dix-huit mois avant le jugement d'ouverture, et que les dettes de la société étaient connues du gérant à cette date, la cour d’appel a estimé que la faute d'omission consciente de la déclaration de l'état de cessation des paiements de la société X…, que ce dirigeant n'a jamais déclaré dans le délai légal de quarante-cinq jours, est ainsi caractérisée à son encontre.
 
Considérant que l'article L. 653-8 du code de commerce autorise le prononcé d'une interdiction de gérer
visant de façon générale toute personne morale sans distinction du type d'activité et que la durée de la
la mesure respectait la nécessaire proportionnalité de la sanction à la faute retenue, la cour d’appel a confirmé l’interdiction pour une durée de sept ans (CA Lyon, 3e ch. A, 2 mai 2019, n° 18/07696, Lamyline). Le gérant a formé un pourvoi en cassation.

Personnes morales visées par l’interdiction

La Haute juridiction désapprouve la cour d’appel : cette dernière, qui interdit au gérant de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise ou personne morale pendant une durée de sept ans, et ce, sans exclure du champ de l'interdiction qu'elle prononçait les entreprises individuelles qui ne seraient ni commerciales, artisanales ou agricoles, notamment les entreprises libérales, a statué en violation de l'article L. 653-8 du code de commerce ; en effet, l'interdiction prévue par ce texte ne peut porter que sur une entreprise commerciale ou artisanale, une exploitation agricole ou une personne morale. D’où cassation de l’arrêt en toutes ses dispositions.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements complémentaires sur l’interdiction de diriger, se reporter aux nos 4873 et s. de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.

 
Source : Actualités du droit