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Sous-location prohibée : Airbnb condamnée in solidum avec le locataire

Civil - Immobilier
10/06/2020
Le tribunal judiciaire de Paris vient de condamner Airbnb, solidairement avec un locataire, au remboursement des loyers perçus dans le cadre d’une sous-location prohibée.
En vertu des articles 546 et suivants du Code civil, la propriété immobilière donne droit sur tout ce qu’elle produit, les fruits civils appartenant au propriétaire par accession.
Il a été déduit de ces dispositions que sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire, lequel est en droit de demander le remboursement des sommes perçues à ce titre (Cass. 3e civ., 12 sept. 2019, n° 18-20.727 ; v. AirBnB : sous-location et droit d’accession des fruits civils, Actualités du droit, 12 sept. 2019).
 
En l’espèce, la locataire d’un appartement l’avait sous-loué 534 jours en deux ans alors qu’une clause du bail interdisait expressément la sous-location sans l’accord du bailleur et ce, en vertu de l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (JO 8 juill.). La locataire ayant manqué à ses obligations contractuelles, c’est tout naturellement que le tribunal judiciaire de Paris a déclaré la propriétaire bien fondée à demander sa condamnation à lui verser la somme totale des sous-loyers perçus à titre de fruits civils.
 
Les sous-locations avaient été effectuées par le biais de la plateforme Airbnb. Et la propriétaire demandait au tribunal de condamner cette dernière, solidairement avec la locataire, au remboursement des sommes perçues au titre des sous-loyers. Elle demandait également la condamnation d’Airbnb à lui verser une certaine somme d’argent, correspondant aux commissions perçues par la plateforme, en réparation du préjudice subi du fait de l’appropriation par Airbnb des fruits de la chose qui reviennent à la propriétaire.
 
Concernant la demande de réparation du préjudice subi
Le tribunal rappelle que le droit d’accession s’applique à tout ce que produit une chose ou s’y unit, soit naturellement soit artificiellement. Il estime donc que les commissions perçues par Airbnb étant constituées par un pourcentage des loyers payés par les voyageurs pour la sous-location du bien, la propriétaire est en droit d’en demander le remboursement. Et de l’obtenir !
 
Concernant la demande de condamnation in solidum
Le tribunal judiciaire de Paris fait droit à la demande de la propriétaire et condamne la société Airbnb in solidum avec la locataire à rembourser le montant des sous-loyers perçus.
 
Le motif : en qualité d’éditeur, Airbnb a un droit de regard sur le contenu des annonces publiées et les activités réalisées par son intermédiaire. Elle commet donc une faute en s’abstenant de vérifier que l’un de ses « hôtes » exerce une activité illicite par son intermédiaire, laquelle faute concourt au préjudice subi par la propriétaire, préjudice devant être réparé.
 
Airbnb faisait valoir qu’elle s’était limitée à la fourniture d’un service d’hébergement en ligne de l’annonce et ne pouvait en aucun cas être considérée comme étant un éditeur. En effet, les personnes physiques ou morales qui assurent la mise à disposition en ligne de services ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait du caractère illicite des services proposés dès lors qu’elles en avaient pas effectivement connaissance (L. n° 2004-575, 21 juin 2004, art. 6-1 et 7, dite loi pour la confiance dans l’économie numérique).
 
Mais le tribunal considère que Airbnb joue un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données fournies par ses « hôtes ». Elle a, de ce fait, un statut d’éditeur.
En effet, à la lecture des conditions générales de la plateforme, le tribunal reconnaît que Airbnb a un droit de regard et s’arroge le droit de retirer un contenu pour non-respect des conditions contractuelles mais également pour toute autre raison à son entière discrétion. Ce n’est donc pas une simple activité d’hébergement à l’égard des hôtes qui ont recours à son site mais bien une activité d’éditeur.

La société Airbnb a déclaré vouloir interjeter appel de cette décision.
Source : Actualités du droit