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Ordonnances Covid-19 : quelques aspects de droit immobilier et de droit de la famille

Civil - Personnes et famille/patrimoine, Immobilier
26/03/2020
Plusieurs ordonnances, prises en vue de faire face à l’épidémie de Covid-19, sont parues jeudi 26 mars au Journal officiel. Focus sur la copropriété, le bail commercial, la garde d’enfants, les personnes vulnérables et les expulsions locatives.
Ordonnance portant adaptation des règles applicables aux contrats de syndic de copropriété (Ord. n° 2020-304, 25 mars 2020, JO 26 mars)
Le contrat de syndic qui expire ou a expiré pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires.
Et ce, par dérogation aux dispositions :
- de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (JO 11 juill.) en vertu desquelles le contrat de syndic est un contrat à durée déterminée, non susceptible de renouvellement par tacite reconduction ;
- de l’article 1102 du Code civil qui pose le principe de la liberté contractuelle ;
- de l’article 1214, alinéa 2 du Code civil fixant les règles de renouvellement d’un contrat à durée déterminée.

La prise d’effet du nouveau contrat de syndic devra intervenir, au plus tard six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

En revanche, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l’assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de cette ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020.
L’objectif : assurer une pérennité dans la gestion des copropriétés, leur conservation et la continuité des services essentiels à leur fonctionnement normal, conformément à leur destination.

Cette ordonnance est par ailleurs applicable dans les îles Wallis-et-Futuna.
 
Ordonnance relative au prolongement de la trêve hivernale (Ord. n° 2020-331, 25 mars 2020, JO 26 mars)
Pour l'année 2020, la période mentionnée à l'article L. 115-3, alinéa 3, du Code de l'action sociale et des familles (du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante) est prolongée jusqu'au 31 mai 2020. Les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne pourront donc pas procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles jusqu’à cette date.
En outre, aux termes de l’article L. 412-6, alinéa 1er du Code des procédures civiles d'exécution, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée (…), il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante. Cette période est là aussi prolongée jusqu'au 31 mai 2020.

En Guyane, en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Wallis-et-Futuna, la durée de trois mois et demi, le cas échéant divisée de manière à tenir compte des particularités climatiques, visée aux articles L. 611-1 et L. 641-8 du Code des procédures civiles d’exécution est augmentée de deux mois.
S’agissant de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, cette prolongation interviendra ultérieurement par une seconde ordonnance après consultation des collectivités concernées, conformément aux lois organiques qui leur sont applicables.
 
Ordonnance relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux (Ord. n° 2020-313, 25 mars 2020, JO 26 mars)
Cette ordonnance a pour objet d’assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des majeurs et mineurs protégés et des personnes en situation de pauvreté. Elle vise, pour cela, à assouplir les conditions d’autorisation, de fonctionnement et de financement des établissements et services, notamment pour permettre l’accompagnement en urgence de ces publics, de manière temporaire en relai du domicile ou à domicile. Elle vise également à fluidifier les capacités de réponses à apporter en permettant de diversifier les publics accompagnés en situation d’urgence.

Ainsi, les établissements et services sociaux et médico-sociaux ainsi que les lieux de vie et d’accueil mentionnés au I et au III de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles peuvent :
- adapter leurs conditions d'organisation et de fonctionnement et dispenser des prestations non prévues dans leur acte d'autorisation ;
- recourir à un lieu d'exercice différent ou à une répartition différente des activités et des personnes prises en charge ;
- déroger aux qualifications de professionnels requis applicables et, lorsque la structure y est soumise, aux taux d'encadrement prévus par la réglementation.

Seuls les établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent :
- accueillir ou accompagner des personnes même ne relevant pas de la zone d'intervention autorisée prévue à l'article L. 313-1-2 de ce code, pour une prise en charge temporaire ou permanente, dans la limite de 120 % de leur capacité autorisée.

Les établissements qui accueillent des personnes handicapées peuvent accueillir des adolescents de 16 ans et plus (v. CASF, art. L. 312-1, I, 7°).

Les établissements qui assurent une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation ainsi que les établissements qui accueillent des personnes handicapées peuvent accueillir des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans relevant des articles L. 221-1, L. 222-3 et L. 222-5 du Code de l’action sociale et des familles.

Les établissements qui accueillent des handicapés, mineurs ou jeunes adultes handicapés (CASF, art. L. 312-1, I, 2°, 5° et 7°) peuvent adapter leurs prestations afin de les accompagner à domicile, en recourant à leurs personnels ou à des professionnels libéraux ou à d’autres services.

En outre, les admissions dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux ainsi que les lieux de vie et d’accueil peuvent être prononcées en l'absence d'une décision préalable d'orientation par la commission mentionnée à l'article L. 241-5 du Code de l’action sociale et des familles.

Il peut être dérogé à la limitation à quatre-vingt-dix jours de la durée annuelle de l'accueil temporaire dans une structure médico-sociale pour personnes handicapées, fixée en application de l'article L. 314-8 du même code.
Toutes ces adaptations, précise l’ordonnance, doivent être décidées par le directeur de l'établissement ou du service après consultation du président du conseil de la vie sociale et, lorsque la structure en est dotée, du comité social et économique.

Le directeur informe sans délai la ou les autorités de contrôle et de tarification compétentes et, le cas échéant, la commission mentionnée à l'article L. 241-5 du Code de l'action sociale et des familles des décisions d'adaptation dérogatoire qu'il a prises. Si la sécurité des personnes n'est plus garantie ou si les adaptations proposées ne répondent pas aux besoins identifiés sur le territoire, l'autorité compétente peut à tout moment s'opposer à leur mise en œuvre ou les adapter.

Ces dispositions sont applicables à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 (JO 24 mars). Les mesures prises en application de ces mêmes dispositions prennent fin trois mois au plus tard après la même date.
 
Ordonnance portant dispositions temporaires relatives aux assistants maternels et aux disponibilités d’accueil des jeunes enfants (Ord. n° 2020-310, 25 mars 2020, JO 26 mars)
L’objectif ici est de contribuer à l’accueil des enfants de professionnels prioritaires et indispensables à la vie des Français.
Par dérogation à l’article L. 421-4, alinéa 1er du Code de l’action sociale et des familles, et sous réserve du respect de conditions de sécurité suffisantes, l’assistant maternel est autorisé à accueillir en cette qualité jusqu’à six enfants simultanément (quatre en temps normal). Ce nombre est toutefois diminué du nombre d’enfants de moins de trois ans de l’assistant maternel présents à son domicile. Le nombre de mineurs de tous âges placés sous la responsabilité exclusive de l’assistant maternel présents simultanément à son domicile ne peut excéder huit (six en temps normal).

L’assistant maternel qui accueille simultanément un nombre d’enfants supérieur au nombre précisé par son agrément doit en informer sous 48 heures le président du conseil départemental en indiquant le nombre de mineurs qu’il accueille en qualité d’assistant maternel, les noms, adresses et numéros de téléphone de leurs représentants légaux ainsi que le nombre et l'âge des autres mineurs présents à son domicile qui sont placés sous sa responsabilité exclusive.

Ces dispositions sont applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance et jusqu’à une date fixée par arrêté du ministre chargé de la Famille et, au plus tard, jusqu’au 31 juillet 2020.

En outre, à compter du 27 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020, les établissement et services mentionnés à l’article L. 2324-1, alinéa 1er du Code de la santé publique (établissements et services gérés par une personne physique ou morale de droit privé accueillant des enfants de moins de six ans) qui assurent l’accueil des enfants des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 doivent communiquer leurs disponibilités d’accueil sur un site internet mis à disposition par la Caisse nationale des allocations familiales. Ce site internet offre aux assistants maternels la possibilité de renseigner à cette même fin leurs nom, coordonnées et disponibilités : https://monenfant.fr/web/guest/recensement-covid-19

Ordonnance relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19 (Ord. n° 2020-316, 25 mars 2020, JO 26 mars)
Sont concernées par cette ordonnance, les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation (notons que ce fonds de solidarité est créé pour une durée de trois mois, prolongeable par décret pour une durée d’au plus trois mois) . Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure.

Les critères d’éligibilité seront précisés par décret, lequel déterminera notamment les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la crise sanitaire.

En matière de bail commercial, les personnes éligibles ne pourront encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 (entreprises en période d’observation) et L. 641-12 du Code de commerce (entreprises en liquidation judiciaire).

Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Il est précisé que cette ordonnance s’applique également à Wallis-et-Futuna.
Source : Actualités du droit