Retour aux articles

Modalités de suspension de la procédure de demande d'autorisation d'exploitation commerciale

Civil - Immobilier
Public - Urbanisme
09/09/2019
Le décret précisant les modalités de la suspension par le préfet de la procédure de demande d’autorisation d'exploitation commerciale devant la commission départementale d’aménagement commercial a été publié au Journal officiel.
Dans le cadre de la politique de revitalisation des centres-villes, la loi « ÉLAN » (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, JO 24 nov., portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) a notamment modifié la procédure d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC ; v. Le Lamy Droit immobilier 2019, n° 2067), « dans le but de mieux réguler l’implantation de surfaces commerciales en périphéries des villes » (v. Rapport d’information n° 2077, 26 juin 2019, sur la mise en application de la loi « ÉLAN »). Elle dispense ainsi d’AEC certains projets situés dans un secteur d'intervention d'une opération de revitalisation de territoire (ORT) définie au I de l'article L. 303-2 du Code de la construction et de l'habitation, comprenant un centre-ville identifié par la convention de ladite opération (C. com., art. L. 752-1-1, nouv.). Elle prévoit, par ailleurs, un moratoire préfectoral sur les projets périphériques soumis à AEC situés en dehors de ces secteurs mais susceptibles de nuire à l’ORT (C. com., art. L. 752-1-2, nouv.).

Le préfet peut ainsi suspendre par arrêté, pour une durée maximale de trois ans, prorogeable un an, l'enregistrement et l'examen en commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) des demandes d'AEC relatives aux projets mentionnés aux 1° à 5° et au 7° de l'article L. 752-1 du Code de commerce situés :
  • sur le territoire d'une ou plusieurs communes signataires d'une convention d’ORT mais hors des secteurs d'intervention de l'opération. Cette décision est prise après avis ou à la demande de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et des communes signataires de cette convention (C. com., art. L. 752-1-2, al. 1er) ;
  • dans des communes qui n'ont pas signé la convention mais sont membres de l'EPCI à fiscalité propre signataire de la convention ou d'un EPCI limitrophe de celui-ci. Cette suspension intervient après avis ou à la demande du ou des EPCI et communes concernés (C. com., art. L. 752-1-2, al. 2).
Cette décision préfectorale tient compte des caractéristiques des projets et de l'analyse des données existantes sur la zone de chalandise, au regard notamment du niveau et de l'évolution des taux de logements vacants, de vacance commerciale et de chômage dans les centres-villes et les territoires concernés.

Ce dispositif est désormais effectif avec la publication au Journal officiel du décret n° 2019-795 du 26 juillet 2019 (JO 28 juill.) qui en précise les modalités d'application aux articles R. 752-29-1 et suivants du Code de commerce.

Décision préfectorale au cas par cas
La décision du préfet de suspendre l'enregistrement et l'examen en CDAC d'une demande d'AEC est prise au cas par cas, selon les caractéristiques du projet (C. com., art. R. 752-29-1, nouv.). Rappelons que le Conseil d’État, dans son avis du 29 mars 2018, avait notamment retenu qu’une « décision de suspension, si elle devait avoir un caractère général et concerner l’ensemble des projets futurs présentés hors des centres-villes, constituerait une mesure disproportionnée, portant une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre, alors que tous les projets en zone périurbaine n’ont pas forcément un effet négatif sur les centres » (CE, avis, 29 mars 2018, n° 394435).

Demande d’avis du préfet
Dans l'éventualité de la suspension de la procédure d'autorisation, le préfet du département d'implantation d’un projet susmentionné peut solliciter, dans le délai de quinze jours franc à compter de l'enregistrement d'une demande d’AEC au secrétariat de la CDAC :
  •  pour les projets mentionnés au premier alinéa de l'article L. 752-1-2 du Code de commerce : l'avis du président de l'EPCI à fiscalité propre dont est membre la commune d'implantation du projet et l'avis de chacun des maires des communes signataires de la convention d'ORT ;
  • pour les projets mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 752-1-2 dudit code : l'avis du président de l'EPCI à fiscalité propre signataire de la convention d’ORT, de chacun des maires des communes signataires de cette même convention, du maire de la commune d'implantation du projet et, si celle-ci est membre d'un EPCI à fiscalité propre limitrophe de l'EPCI signataire, l'avis de son président.
La demande d'avis du préfet comporte :
  • pour les projets mentionnés au premier alinéa de l'article L. 752-1-2 : un exposé des caractéristiques du projet et des données propres aux secteurs d'intervention définis dans la convention inclus dans la zone de chalandise, de nature à justifier la suspension de la procédure devant la commission départementale ;
  • pour les projets mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 752-1-2 : un exposé des caractéristiques du projet et des objectifs poursuivis par l'opération de revitalisation susceptibles d'être gravement compromis par le projet, de nature à justifier la suspension de la procédure devant la commission départementale.
L'envoi de la demande d'avis fait courir un délai de réponse de quinze jours, au terme duquel le préfet dispose de sept jours pour prendre, le cas échéant, un arrêté de suspension. Si les demandes d'avis ne sont pas envoyées le même jour, le délai court à l'expiration du délai de réponse le plus tardif (C. com., art. R. 752-29-2, nouv.).

Saisine du préfet
L’article R. 752-29-3 du Code de commerce précise, quant à lui, le contenu de la demande de suspension lorsque le préfet est saisi conjointement d’une demande de suspension par les présidents des EPCI et les communes concernés. Celle-ci comporte les mêmes éléments que ceux exigés pour la demande d’avis du préfet.
La demande de suspension doit parvenir au préfet au plus tard vingt-et-un jours francs après l'enregistrement, par le secrétariat de la commission départementale, de la demande d'AEC. Si la demande de suspension est adressée au préfet en plusieurs envois distincts, le plus tardif d'entre eux doit parvenir à ce dernier dans ce délai de vingt-et-un jours.
Si le préfet décide de suspendre la procédure d'AEC du projet, il dispose de quinze jours, à compter de la réception de la demande complète de suspension, pour prendre son arrêté. L'absence de suite donnée à cette demande par le préfet dans le délai imparti ne fait pas naître une décision tacite de suspension.

Communication par voie électronique
Les communications prévues aux articles R. 752-29-2 et R. 752-29-3 précités entre le préfet, d'une part, et les présidents d'EPCI à fiscalité propre et les maires, d'autre part, sont effectuées par voie électronique (C. com., art. R. 752-29-4, nouv.).

Contenu de l’arrêté de suspension
L'arrêté de suspension expose :
  • les objectifs poursuivis par la convention d'ORT que le projet est susceptible de compromettre, pour l'application du premier alinéa de l'article L. 752-1-2 du Code de commerce, ou de compromettre gravement, au sens du deuxième alinéa de ce même article ;
  • les caractéristiques du projet identifiées comme constituant un risque pour la réalisation ou la poursuite de ces objectifs ;
  • les données mentionnées à l'article L. 752-1-2 relatives à la vacance de logements, à la vacance commerciale et au chômage ou tout élément utile relatif à la zone de chalandise contribuant à ce risque. Ces données sont présentées pour une période d'au moins trois ans, datées et leurs sources mentionnées.
L'arrêté de suspension mentionne, à peine d'inopposabilité, la durée de la suspension. Celle-ci ne peut excéder trois ans et doit être cohérente avec les motifs de la suspension (C. com., art. R. 752-29-5, nouv.).

Prorogation de la suspension
Le nouvel article R. 752-29-6 du Code de commerce précise les modalités de la prorogation de la suspension. Ainsi, si, compte tenu de la situation actualisée de la zone de chalandise, les motifs ayant conduit à la suspension de la procédure d'AEC le justifient, le préfet peut proroger cette suspension pour une durée supplémentaire de un an au plus, par un nouvel arrêté pris au plus tard six mois avant le terme initial de la suspension.
Il doit préalablement solliciter l'avis du ou des présidents d’EPCI à fiscalité propre et du ou des maires en leur impartissant un délai de réponse qui ne peut être inférieur à quinze jours. Cette demande d'avis comporte une mise à jour des éléments mentionnés à l'article R. 752-29-5 précité et expose les motifs de nature à justifier la prorogation de la suspension de la procédure.
L'arrêté motive la prorogation au regard des données actualisées ayant motivé la suspension et précise le terme définitif de celle-ci.

Notification et publication de l’arrêté préfectoral
Les arrêtés prévus aux articles R. 752-29-2, R. 752-29-3 et R. 752-29-6 précités sont notifiés au pétitionnaire et, en cas de demande de permis de construire valant AEC, à l'autorité compétente en matière de permis de construire.
Ils sont publiés au recueil des actes administratifs de l'État dans le département (C. com., art. R. 752-29-7, nouv.).

Actualisation des données
Trois mois avant le terme de la suspension, le secrétariat de la CDAC invite le pétitionnaire à lui transmettre, dans un délai de deux mois, une actualisation des données inscrites dans son dossier de demande d'AEC.
Ce dossier actualisé est transmis au service instructeur local et, s'il s'agit d'une demande de permis de construire valant AEC, à l'autorité compétente en matière de permis de construire (C. com., art. R. 752-29-8, nouv.).

Reprise du cours de la procédure au terme de la suspension
La procédure devant la commission départementale reprend son cours, pour le délai restant à courir, au lendemain du dernier jour de suspension (C. com., art. R. 752-29-9, nouv.).

Délai d’instruction du permis de construire
L’article 2 du décret n° 2019-795 du 26 juillet 2019 modifie également l’article R. 423-36-1 du Code de l'urbanisme relatif aux délais d’instruction de droit commun des autorisations d’urbanisme. 
Il prévoit que lorsque le préfet suspend l'enregistrement et l'examen d'une demande AEC par la CDAC en application de l'article L. 752-1-2 du Code de commerce, le délai d'instruction mentionné au e de l'article R. 423-25 du Code de l’urbanisme est suspendu jusqu'au terme de la durée fixée par l'arrêté de suspension ou, le cas échéant, par l'arrêté de prorogation de cette suspension.
Source : Actualités du droit