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Contrat d’architecte et clause d’exclusion de solidarité : du devoir de conseil à la faute

Civil - Immobilier
26/01/2022
La clause d'exclusion de solidarité ne peut avoir pour effet de limiter la responsabilité de l'architecte quand sa faute a concouru à la réalisation de l'entier dommage. Dans cette hypothèse, celui-ci est condamné à régler le préjudice dans son intégralité, quelle que soit la responsabilité des autres intervenants.
M. et Mme B confient à un architecte la maîtrise d'œuvre de la rénovation de l’appartement qu’ils viennent d’acheter. Du fait de malfaçons et d'imprévisions ayant entraîné un dépassement du budget global du chantier, ils l’assignent ainsi que son assureur en indemnisation de leurs préjudices. L’architecte et son assureur fond valoir la clause d’exclusion de solidarité stipulée dans le contrat. La demande des acquéreurs est rejetée. La cour d’appel considère que l’architecte n’a commis une faute ayant contribué aux désordres que dans la proportion de 30 %, en raison de l'impréparation de son projet, les 70 % restants étant attribués aux entreprises de travaux.

M. et Mme B font grief à l'arrêt de limiter la fixation de leur créance au passif de l'architecte soumis entretemps à une procédure de redressement judiciaire, et de condamner l’assureur à payer cette somme. Ils s’appuient sur le rapport d’expertise pour prouver la faute de l'architecte qui a manqué à son devoir de conseil en omettant d'exiger les plans d'exécution de leur lot par les entreprises et de définir l'objet du marché revenant à chacune d'elle. L’architecte ne pouvait se décharger des conséquences de sa carence en invoquant des fautes d'exécution de ces mêmes entreprises, fautes dont l'exécution de sa mission avait précisément pour objet d'empêcher la survenance.

L’arrêt est cassé. La Cour de cassation rappelle que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part » (C. civ., art. 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).

« Chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage ».

Les juges du fond avaient relevé que le contrat de maîtrise d'œuvre contenait une clause prévoyant que l'architecte ne pourra être tenu responsable ni solidairement ni in solidum des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération.

« Une telle clause ne limite pas la responsabilité de l'architecte, tenu de réparer les conséquences de sa propre faute, le cas échéant in solidum avec d'autres constructeurs. Elle ne saurait avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d'ouvrage contre l'architecte, quand sa faute a concouru à la réalisation de l'entier dommage ».

Pour limiter l'obligation à réparation de l'architecte et de son assureur à une fraction des dommages, l'arrêt avait retenu que la clause d'exclusion de solidarité n'est privée d'effet qu'en cas de faute lourde et que l'architecte n'est tenu qu'à hauteur de la part contributive de sa faute dans la survenance des dommages.

Les dommages avaient été causés par la faute de l'architecte, qui s'était abstenu de préparer un projet complet définissant précisément les prestations des locateurs d'ouvrage et d'exiger d'eux des plans d'exécution : il en résultait que cette faute était à l'origine de l'entier dommage. La cour d'appel a violé le texte susvisé.
 
Source : Actualités du droit